Il racontait que déjà enfant il rêvait de soigner les chevaux.
Sorti de l’Ecole Vétérinaire de Toulouse en 1968, Dominique Giniaux crée sa clinique canine en décembre 1969 dans l’Essonne et développe aussitôt, en parallèle, une clientèle équine dans les centres équestres du sud de Paris.
Il pratique longtemps, avec passion, la chirurgie et la médecine classique.
Il crée sa première salle de chirurgie à Marcoussis dans l’écurie, La Calèche, appartenant à la famille Breul.
Il exerce donc en clientèle classique canine et équine de 1969 à 1980.
Son association avec son ami, le Dr Philippe Jeanmonod, (jusqu’en 2004) lui permet peu à peu de se consacrer à des recherches personnelles.
Vétérinaire classique durant douze années, Dominique Giniaux se tourne résolument ensuite vers l’acupuncture et l’ostéopathie qui répondent mieux à ses attentes et surtout à sa manière de considérer la maladie et la santé.
En 1972, il est désigné par le Ministère de l’Agriculture, Vétérinaire Inspecteur dans l’Essonne, expérience qui lui a beaucoup appris.
Déjà très jeune vétérinaire, plusieurs pratiques le démarquent :
Dès 1971, il pratique la chirurgie abdominale du cheval et effectue notamment des opérations de coliques avec succès, même en pleine nature, permettant ainsi de sauver certains chevaux qui ne pouvaient pas être transportés dans une clinique, établissement d’ailleurs très rares à l’époque .
En 1975, il dépose un BREVET : « Appareil pour réduction de fractures ou fissures longitudinales d’os par compression externe »
Il condamne et contribue à faire cesser la pratique de la castration aux casseaux en prouvant que les chevaux en souffrent toute leur vie par adhérences cicatricielles, avec l’obligation très fréquente d’opérer une seconde fois. Par tempérament, il n’aime pas faire ce que tout le monde fait.
Ayant horreur de l’inéluctable et estimant que la médecine classique y mène trop souvent, il veut voir ailleurs et autrement.
Il s’interroge sur le raisonnement de cause à effet et se méfie de celui-ci. Effectivement, il entend trop souvent que ce raisonnement par un cheminement logique, en escalier régulier d’une cause vers un effet, peut mener à une impasse.
Durant ses études, il essayait déjà d’inverser les informations et de voir si la cause n’était pas plutôt un effet pouvant ouvrir vers d’autres voies, d’autres propositions ou questions.
Il est intrigué et impressionné par les résultats de quelques rebouteux.
Ayant de nombreux contacts avec des médecins, il prend du temps en clinique humaine pour en connaitre les pratiques.
Il prend des cours en auriculothérapie avec le Dr Paul Nogier puis étudie l’acupuncture dans le but de la transposer aux chevaux.
Il découvre ainsi que toutes les médecines alternatives s’accordent avec l’acupuncture selon des lois, toujours valables, vieilles de plus de 3000 ans, sans jamais raisonner comme en médecine classique. La piste de réflexion est circulaire, sans départ ni arrivée, avec des portes des deux côtés et des passages d’une porte à l’autre.
C’est en 1977, par un besoin viscéral de travailler avec ses mains, qu’il se tourne et s’engouffre alors vers l’ostéopathie au contact de Jean Josse, Codirecteur et Cofondateur du COS (College Osteopathique Sutherland). Il assiste aux consultations durant trois années. « Jean Josse a su faire de moi, non pas un manipulateur, mais un vrai ostéopathe »
« L’ostéopathie est avant tout un état d’esprit basé sur un concept découvert et énoncé il y a plus de 150 ans par l’américain A.T. Still :
La structure gouverne la fonction ; La règle de l’artère est souveraine ».
En 1979, Dominique Giniaux est Cofondateur de l’Association des Vétérinaires Acupuncteurs de France. Nommé directeur de recherches, il publie dans le premier bulletin un article sur l’utilisation pratique de l’acupuncture dans les coliques du cheval. (L’association publie 24 numéros de 1979 à 1985). Il effectue un travail personnel sur les méridiens et les ting points. Il établit la carte des points d’acupuncture au niveau des pieds des chevaux (points aussitôt reconnus et utilisés par les acupuncteurs équins en France et à l’étranger).
Il traite en acupuncture les problèmes du ligament croisé antérieur chez le chien et leur évite donc la chirurgie.
Dans les années 1980, il publie la carte topographique de l’oreille du chien et de celle du cheval, qu’il n’a jamais cessé d’utiliser.
Il est aussi membre de l’International Veterinary Acupuncture Society (IVAS).
Il abandonne définitivement la médecine classique occidentale en 1980 pour découvrir sa propre route professionnelle.
Par un travail de pionnier, il commence à transposer sa réflexion et la pratique ostéopathique sur les animaux et particulièrement les chevaux.
Il est le premier au monde à pratiquer l’ostéopathie chez le cheval et revendique par écrit et à haute voix cette antériorité.
En cela il invente de nombreuses techniques. Concernant la mise au point de ces techniques de manipulation, il dit que ses meilleurs professeurs sont les chevaux eux-mêmes…
Dès ses premières consultations, de nouveaux clients sont venus lui présenter des cas très particuliers et souvent condamnés, ce qui lui a permis de progresser rapidement. Certains vétérinaires lui adressent des chevaux incurables. Il veut trouver des solutions et réfléchit autrement. Par son tempérament de « mécanicien actif », il reste volontairement dans l’ostéopathie structurelle, estimant qu’il y a tellement à découvrir… Il a toujours eu conscience de ne pratiquer qu’un aspect de l’ostéopathie. Il a cependant souvent prouvé à des ostéopathes « crâniens » qu’il restaurait le MRP (mouvement respiratoire primaire) avec des manipulations structurelles.
Introduit auprès de quelques entraîneurs de Chantilly en 1984 par le Dr Jean-Marie Pitavy, il travaille rapidement dans de nombreuses écuries de haute pointure tout en restant disponible pour le petit cheval de jardin… Il crée en 1985 une consultation hebdomadaire d’ostéopathie dans la clinique du Dr Richard Corde à Grosbois où les chevaux viennent de tous les horizons géographiques et disciplinaires. Il crée également une consultation hebdomadaire à Lamorlaye et une autre mensuelle en Suisse chez le Dr René Aebischer.
Il disait palper 1km de colonne vertébrale par mois.
(Il ne faisait payer que les chevaux qu’il manipulait. RAS = Gratuité)
Grâce au Dr Didier Feltesse et au Doyen de la Faculté, Pierre Cornillot, un enseignement d’ostéopathie pour les médecins (DUMENAT en trois années) est créé à la Faculté de Médecine de Bobigny – Paris Nord, en 1982. Dans cette formation, une section est ouverte aux vétérinaires. Dominique Giniaux y est chargé de T.P. pour les médecins en 1985. Ayant suivi les cours magistraux d’ostéopathie humaine, il est diplômé en 1992 et donc officiellement autorisé à soigner les humains.
Il participe aussi à plusieurs stages dans l’Ecole Européenne d’Ostéopathie de Maidstone dans le Kent en Angleterre.
Il suit d’autres cours en ostéopathie humaine au CIDO à Saint-Etienne.
En 1984, il est invité au premier Congrès International d’Ostéopathie Humaine à Bruxelles (évènement associé au troisième Congrès Européen d’Ostéopathie) où il présente, ému, impressionné et fier une conférence : « Pratique de l’ostéopathie chez le cheval ».
En 1985, il établit et signe un premier tableau sur les liens vertèbres/organes pour l’ensemble de la colonne vertébrale du cheval.
D’ailleurs, tous ses travaux publiés en acupuncture traditionnelle sont établis d’après ses découvertes et résultats obtenus en ostéopathie. Ce sont donc toujours des points métamériquement liés à chaque vertèbre qu’il nomme sur ses cartes.
En 1985, grâce à Jean-Louis Gouraud, éditeur, il publie un livre sur l’acupressing appliquée au cheval, puis sur l’ostéopathie équine, en 1992.
En décembre 1987 Dominique Giniaux présente pour la première fois, aux vétérinaires français, une conférence sur l’ostéopathie, avec vidéo, lors d’un congrès organisé par l’Association Vétérinaire Equine Française (AVEF) à Deauville.
En 1988 il rencontre lors d’un congrès en Allemagne, Marvin Cain, grand acupuncteur américain. Tous deux, explorateurs et généreux, avides de découvertes, échangeront et progresseront ensemble dans une exceptionnelle collaboration. Dominique Giniaux est aussitôt invité aux Etats-Unis pour participer à des séminaires et commence ainsi à enseigner ses techniques. Marvin Cain l’a également présenté à l’IVAS, ainsi qu’à la Société BIOSCAN où ils sont intervenus ensemble lors de stages destinés aux cavaliers et éleveurs.
Il publie en 1990 une carte de 36 points d’acupressing pour permettre à chacun de traiter ou de soulager son cheval en attendant le vétérinaire.
L’homéopathie ne lui a pas échappé. Il ne s’est jamais prétendu homéopathe, mais il a trouvé de nombreuses solutions de soin en homéopathie, au cas par cas, en établissant une formule spécifique à chaque problème rencontré.
Il a inventé quelques produits, le meilleur étant l’ « OS+ », destiné à soigner l’ostéite et qui, avec d’étonnants résultats, a également aidé de nombreux suros à trouver leur place en s’affinant.
Curieux, profondément scientifique et chercheur de nature, il capte partout des informations qui peuvent l’aider à tout moment dans son parcours.
Il a beaucoup étudié le rôle des poches gutturales du cheval et l’utilité de les vider manuellement, notamment pour les chevaux de courses, ceci avec le soutien de l’entraîneur André Fabre.
Face aux traumatismes, il parle de la mémoire des tissus et des chemins de facilitations.
Il utilise un diapason pour détecter, par vibration, d’éventuelles fêlures ou fractures.
Il s’intéresse au système de régulation par le cristal de quartz, basé sur l’effet piézoélectrique, qu’il compare aux facettes articulaires.
Lors des dernières années, il étudie les lois des systèmes complexes ainsi que la théorie du chaos qui mène à une notion d’équilibre d’un ensemble, considéré comme une unité.
Il porte un grand intérêt aux théories de Durkheim, qui a posé les fondements du holisme méthodologique.
Persuadé d’y trouver de précieuses réponses, il tente de faire un rapprochement entre les méridiens et les notes de musique. (Travail inachevé – archives à traiter)
Ses dernières recherches se sont portées sur différentes constatations qui l’ont guidé à revenir vers l’embryologie et l’évolution des espèces.
Il a commencé à considérer la mandibule comme un véritable membre, correspondant peut-être à la patte antérieure des insectes…
Il n’a jamais cessé de développer et de formaliser des techniques d’ostéopathie structurelle appliquée au cheval, adaptant toujours l’enseignement reçu en ostéopathie humaine.
Après de longues années de recherches et de pratiques, il a réussi à faire le tour du cheval, car des articulations crâniennes aux jarrets, en passant par les cervicales basses ou le pubis, le squelette du cheval n’avait plus de secrets pour lui.
Par la voie de l’ostéopathie, il avait des résultats très favorables face aux troubles dermatologiques, digestifs, respiratoires, urinaires, hormonaux, ainsi que face aux troubles du comportement.
Fortement décrié à ses débuts, particulièrement lors de son arrivée à Chantilly, bon nombre de ses confrères ont porté plainte en 1986 pour charlatanisme, pratique de médecine fallacieuse, dépréciation de la profession…
Cependant il a poursuivi dans cette voie, convaincu de ses recherches et surtout de ses découvertes, mais sans aucune idée de la portée que cela produirait. Il publie de nombreux articles dans la presse équestre qui lui valent à chaque parution un petit signe désagréable de l’Ordre des Vétérinaires. Son dossier dans cette institution reste très conséquent.
Dominique Giniaux a toujours défendu sa méthode thérapeutique comme complémentaire, en se demandant même si, un jour, ce ne serait pas la médecine classique qui deviendrait complémentaire des médecines alternatives.
Il est invité régulièrement dans de nombreux congrès pour donner des conférences qu’il maîtrise aussi bien en français qu’en anglais.
Ses résultats lui ont apporté, au grand galop, une réputation internationale.
Un jour, il fait un aller-retour au Chili pour consulter une seule jument.
Il va régulièrement aux Etats-Unis et parcourt l’Europe, notamment l’Irlande, l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne…
Il explique que les chevaux ont été de si bons professeurs que cela lui a permis aisément de transposer ses acquis sur d’autres animaux.
Par exemple, à la demande du Dr Maryvonne Leclerc-Cassan, vétérinaire et alors directrice du Parc Zoologique de Paris-Vincennes, il a manipulé et soigné une panthère et une girafe, qui présentait des problèmes de vertèbres cervicales. Aussi une éléphante bébé mal tombée à la naissance, qui souffrait d’une luxation du bassin.
Il a toujours précisé avoir suivi les chevaux de l’écurie Wildenstein, et ceci durant une vingtaine d’années. Il était très touché d’entendre Daniel Wildenstein s’intéresser à son évolution et ses recherches.
Les chevaux de Bartabas ont également bénéficié de ses soins et conseils pendant plus de quinze années, source d’une belle et profonde amitié entre deux hommes passionnés.
Quelques élèves privilégiés, ont reçu son enseignement sous une forme de compagnonnage ; ils ont pu apprécier d’année en année sa progression. Il explique avec passion une certaine philosophie du soin, une forme de raisonnement, à ceux qui acceptent de prendre le temps d’apprendre la palpation.
Progressivement avec les années et surtout avec ses interventions à l’étranger, il met en place un enseignement des techniques de bases de manipulations, comme un professeur de musique enseigne le solfège. Il propose ainsi, à chacun, de trouver lui-même ses protocoles de diagnostic et ses repères de positionnement en fonction de sa morphologie.
Chargé de cours à l’Université de Fort Collins dans le Colorado (enseignement post-universitaire), il a de nombreux « élèves » aux Etats-Unis, puis plus tardivement en France et en Allemagne.
Des projets d’enseignement étaient en cours en Autriche et en Norvège.
Dominique Giniaux a toujours refusé de faire partie d’un groupe d’ostéopathes vétérinaires, d’être membre d’honneur ou président d’honneur, comme on lui demandait. Systématiquement il refusait tout titre officiel, car il voulait se réserver le droit de donner son avis librement sur tout ce qui s’organisait autour de l’ostéopathie et ainsi pouvoir répondre librement à toute demande.
Ainsi, ayant vraiment trouvé sa propre méthode pour « enseigner », ceci sous la forme du « Module Giniaux », il le présente en 2002.
Dominique GINIAUX est décédé en Mai 2004 à l’âge de 59 ans.
Nous lui devons non seulement l’essor de l’ostéopathie équine, mais aussi, par son succès, la sensibilisation du grand public à l’ostéopathie vétérinaire.
Précurseur de l’ostéopathie animale structurelle, cet « homme de cheval et de cœur » a intrigué un grand nombre de professionnels humains et vétérinaires, mais aussi les médias qui ont beaucoup communiqué sur son ART.
Son métier a toujours été sa première passion et la sculpture sa seconde.
Décoré en février 2002, en même temps que Bartabas et Jean-Louis Gouraud, par le Ministre de l’Agriculture, Jean Glavany, Dominique Giniaux est nommé Chevalier dans l’Ordre du Mérite Agricole.
Deux courses de plat « Prix Dominique Giniaux » ont été créées. L’une a lieu tous les 1er mai à Chambray les Tours et l’autre au printemps à Chantilly.